L’utilisation croissante de l’IA dans les musées et dans les lieux culturels

Les chatbots conversationnels en tourisme et culture : Un outil incontournable
30/05/2024
Création du Comité d’Experts du Groupe de travail – Intelligence artificielle et tourisme
06/06/2024

Publié le 04/06/2024

L’intelligence artificielle (IA) transforme petit à petit (ou trop rapidement, c’est selon!) notre façon d’interagir avec les œuvres d’art. Depuis quelques années déjà, je suis témoin de cette révolution technologique qui redéfinit l’expérience muséale. Au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ), nous avons eu l’opportunité d’explorer et d’expérimenter l’IA en élaborant un projet d’agent conversationnel. Voici un petit retour sur notre aventure générative… de sens 😉.

Au cœur de chacun de nos projets d’innovation au MNBAQ se trouve le souhait de concevoir des produits, des services, des espaces ou des expériences qui répondent de manière optimale aux besoins réels de nos visiteuses et de nos visiteurs. C’est une approche, appelée design centré sur l’humain (Design Thinking) avec laquelle le Musée expérimente depuis 2020. 

Le projet d’agent conversationnel du Musée, communément appelé chatbot, ne fait pas exception et a été développé en réponse à trois questionnements et besoins exprimés par nos visiteuses et nos visiteurs :

  1. Comment trouver ce qui va me plaire dans l’étendue de l’offre que vous proposez? 
  2. Comment entrer en contact avec une œuvre d’art? 
  3. Comment en savoir plus sur les œuvres qui captent mon attention? 

Tirant parti des technologies telles que l’intelligence artificielle générative, le traitement du langage naturel et l’apprentissage automatique, nous avons créé un agent conversationnel qui accompagne les publics, les aidant à entrer en relation et à passer plus de temps avec les œuvres d’art. 

​​Les publics peuvent poser toutes les questions souhaitées sans gêne, selon leurs intérêts et selon leurs observations. Ils peuvent apprendre à observer les œuvres, comprendre la démarche de l’artiste, et même partager leur ressenti. Un projet élaboré dans le cadre de l’Incubateur d’innovations muséales et rendu possible grâce à la contribution financière du Secrétariat à la Capitale-Nationale.

UN DÉVELOPPEMENT PAR PHASES

Photo: MNBAQ, Louis Hébert

Le développement d’un tel dispositif a permis à nos équipes d’expérimenter de nouvelles technologies, d’acquérir de nouvelles compétences, tout en apprenant à mieux connaître nos publics. L’agilité a également fait partie intégrante du projet et l’équipe a appris (et apprend toujours!) à s’adapter, à tirer des leçons et à corriger le tir à chacune des phases du développement.

En 2022, une première preuve de concept a été testée par près de 80 Membres du Musée. Ceux-ci étaient invités à poser toutes les questions souhaitées entourant l’œuvre de BGLPerdu dans la nature (La Voiture). Cette première série de tests visait à valider certaines fonctionnalités technologiques, mais aussi, et surtout la désirabilité de ce type de dispositif auprès de nos visiteuses et de nos visiteurs.  

Nous avons ainsi été à même de constater les points à améliorer, notamment du point de vue de la reconnaissance du langage naturel et de l’interface, tout en récoltant des commentaires globalement positifs sur le concept. En effet, les personnes participantes ont indiqué qu’elles n’étaient pas gênées de poser leurs questions à un robot et que cela leur avait permis d’avoir des précisions sur l’œuvre selon leurs propres intérêts. De plus, certaines ont affirmé que l’agent conversationnel leur avait permis d’établir une plus grande connexion avec l’œuvre et d’éveiller leur intérêt pour une œuvre qui ne les interpellait pas de prime abord. Wow 😊 Des résultats qui nous ont donné des ailes!

LA SUITE

À la lumière des observations et des commentaires compilés, nous avons pris la décision de poursuivre le développement de l’agent conversationnel. Nous avons travaillé avec un nouveau partenaire (allo AskMona!) et avons fait évoluer le concept selon les constats et les apprentissages, ainsi que les nouvelles possibilités offertes par la technologie.

En décembre 2023, nous avons élargi notre périmètre d’expérimentation à 10 œuvres présentées dans les expositions Nous et Collections du MNBAQ. Art contemporain du Québec. À l’été 2024, nous en serons à une quarantaine d’œuvres un peu partout dans les salles des collections du Musée. Notre nouveau prototype est beaucoup plus facile d’utilisation, possède un bon sens logique, une meilleure compréhension générale des questions et réussit à faire des liens entre les impressions dégagées par les gens et les informations factuelles à sa disposition.

LES ÉMOTIONS

Saviez-vous que le temps passé devant une œuvre dans un musée oscille entre 3 et 15 secondes. Seulement. Surprenant, n’est-ce pas? Grâce à notre agent conversationnel, les tests ont démontré que les visiteuses et les visiteurs consacraient beaucoup plus de temps à contempler une œuvre.

En effet, en posant toutes les questions qui leur viennent en tête sans gêne – et ce, selon leurs intérêts et selon leurs observations – ils apprennent aussi à observer les œuvres, à comprendre la démarche de l’artiste et même (et surtout!) avoir une discussion sur les émotions que l’œuvre peut susciter. C’est là où la magie de l’IA générative entre véritablement en jeu. Car ces éléments ne sont pas scénarisés à l’avance et (malgré tout!), le dispositif demeure bienveillant et accueillant. Quelle surprise pour nos équipes lors des tests! 😉

LE FUTUR MUSÉAL

Photo: MNBAQ, Louis Hébert

Je suis profondément convaincue que l’agent conversationnel comme celui développé au MNBAQ ne remplacera pas le guide « humain ». Il ne s’agit que d’une offre supplémentaire pour répondre à un besoin différent d’un tout autre public. Il est essentiel de maintenir un équilibre entre l’utilisation de la technologie et l’expérience humaine, en veillant à ce que l’IA ne remplace pas le contact entre les publics et les médiateurs d’expérience, mais le complète. Cependant, l’IA pourrait-elle remplacer les traditionnels audioguides? Peut-être. Car celui-ci est tellement adapté à chacun qu’il répond davantage aux attentes des publics d’aujourd’hui, soit l’expérience personnalisée. L’agent conversationnel du Musée est accueillant : il reconnaît la visiteuse ou le visiteur dans son individualité et sa diversité. Il est ouvert : il permet d’apprécier les œuvres selon différentes approches (factuelle, historique, émotionnelle, philosophique, etc.). Il est bienveillant : il proposera éventuellement des parcours personnalisés basés sur les intérêts des publics. Il est aussi unique, car il se démarque par son approche distinctive.

L’IA peut également jouer un rôle crucial dans l’amélioration de l’accessibilité des musées. Par exemple, les chatbots peuvent être programmés pour répondre dans plusieurs langues, permettant ainsi à un public international de profiter pleinement des contenus en lien avec les expositions. De plus, des technologies comme la reconnaissance vocale peuvent être utilisées pour adapter les visites en fonction des besoins spécifiques des visiteurs, comme les personnes en situation de handicap.

Nous ne sommes qu’au début de cette révolution numérique qui promet de transformer profondément l’expérience muséale. Le constat est clair: les technologies enrichissent la compréhension et l’appréciation de l’art. Il faut continuer d’explorer les nombreuses possibilités qui s’offrent à nous pour rendre l’art et la culture plus accessibles et engageants pour le plus grand nombre.

Auteur

  • Marie-Hélène Raymond

    Marie-Hélène est coordonnatrice de la stratégie numérique au Musée national des beaux-arts du Québec et présidente du comité de communications du Groupe de travail.

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