L’Intelligence artificielle et tourisme durable : De grands défis et des opportunités

OpenAI lance ChatGPT Search : Un virage majeur pour l’industrie touristique
01/11/2024
Veille du 6 novembre 2024
03/11/2024

Publié le 03/11/2024

L’Intelligence artificielle (IA) a le potentiel de transformer le secteur touristique et de le faire évoluer vers un modèle plus durable mais elle soulève également des enjeux énergétiques majeurs. Lors du 2e Luxembourg Tourism Summit de 2024, un événement centré sur l’IA et le tourisme durable, des discussions enrichissantes ont permis de mieux comprendre comment l’IA pourrait s’intégrer de manière responsable dans le tourisme. Ce billet vise à dresser un premier bilan de la relation IA et tourisme durable.

1- Consommation énergétique de l’IA : Un défi crucial pour un tourisme durable

Les chiffres sur la consommation énergétique des centres de données et l’empreinte carbone des modèles d’IA montrent une forte tendance à la hausse. En 2024, l’ensemble des centres de données consommaient environ 1000 térawattheures (TWh) par an, soit près de 2 % de la consommation énergétique mondial, ou l’équivalent de la consommation totale de la France et l’Allemagne réunies.

La production de CO₂ pour entraîner un grand modèle d’IA reste élevée, mais de nouvelles données précisent aussi l’impact selon les méthodes et l’infrastructure utilisée. Des géants comme Microsoft, Amazon et Google investissent massivement dans les énergies renouvelables, ce qui pourrait réduire cette empreinte à long terme, mais des critiques soulignent que des efforts de transparence et des normes de suivi seront nécessaires pour éviter le « greenwashing ».
Ces données montrent la nécessité d’intégrer des stratégies énergétiques responsables de l’AI pour le tourisme durable et de privilégier des modèles plus économes et des sources d’énergie renouvelable pour limiter l’empreinte des technologies.

À ce niveau quatre (4) grandes pistes se dégagent :

1) Utilisation efficiente de l’IA générative : Une seule requête sur ChatGPT par exemple consommerait environ 2,9 Wh et émettrait 1,38 g de carbone soit environ dix fois plus d’énergie qu’une recherche typique sur Google, Pour minimiser les émissions, les utilisateurs devraient concentrer l’IA générative sur des usages ciblés et essentiels, en évitant les processus superflus. Chaque requête d’IA consomme de l’énergie, et il est possible de réduire cette consommation en ajustant les ressources précisément selon les besoins de chaque tâche.

2) Optimisation énergétique : Il est essentiel de développer des modèles d’IA moins énergivores. Les processeurs graphiques (GPU) avancés et les algorithmes optimisés représentent des pistes prometteuses.

3) Utilisation de sources renouvelables : Les centres de données doivent se tourner vers l’énergie solaire, éolienne, l’hydro-électricité (possible au Québec) ou d’autres sources renouvelables pour réduire leur empreinte.

4) Équilibre entre coûts et bénéfices : comme cela a été discuté lors du sommet luxembourgeois, il est essentiel de trouver un équilibre entre les gains de durabilité apportés par l’IA et son coût énergétique.

2. La gestion durable des ressources grâce à l’IA

L’IA offre des solutions pour répartir de manière plus équitable les flux de visiteurs et mieux gérer les sites touristiques. Un exemple est le « premier Index du Surtourisme » mis en place par Evaneos et Roland Berger, qui permet de mesurer de manière objective le phénomène de surtourisme dans 70 des 100 principales destinations touristiques mondiales. Ce système utilise des données en temps réel pour évaluer l’impact touristique sur divers territoires. En identifiant les destinations les plus touchées par la surfréquentation, l’IA aide à réguler l’afflux touristique. Par exemple, la plateforme a déjà planifié de cesser de vendre des voyages en été à Mykonos et Santorin à partir de 2025, en raison de l’impact environnemental et social très élevé pendant cette saison.

En utilisant l’IA pour analyser des critères comme la densité de touristes par habitant ou par kilomètre carré, la saisonnalité, et la durabilité des infrastructures, les gestionnaires peuvent anticiper et mieux planifier les périodes de forte affluence. Cela permet d’éviter la surfréquentation des sites populaires tout en promouvant des périodes moins fréquentées ou des destinations alternatives.

L’IA contribue ainsi à la durabilité en permettant une gestion intelligente des ressources et en offrant aux entreprises et aux autorités locales des outils pour mieux organiser l’accueil des visiteurs, tout en préservant l’environnement et en réduisant l’impact négatif du tourisme de masse.

Attention néanmoins aux calculs trop simplistes sur ce genre de classement, le surtourisme n’est pas qu’une question de nombre de visiteurs sur un moment donné mais aussi de la capacité de la destination à gérer cette masse de visiteurs, ce qui n’est pas forcément intégré dans l’index.

Au Québec, cette approche pourrait être bénéfique pour alléger la pression sur certains sites naturels prisés, tout en incitant les touristes à explorer d’autres régions moins fréquentées, ce qui permettrait de réduire l’impact environnemental et de préserver les écosystèmes locaux.

3. Personnalisation de l’expérience touristique et marketing durable

L’IA permet de personnaliser l’expérience des visiteurs en fonction de leurs préférences, un atout pour encourager des comportements responsables sans compromettre leur satisfaction. Par exemple, un touriste intéressé par l’histoire pourrait recevoir des recommandations pour des visites culturelles en dehors des circuits traditionnels, tandis qu’un amateur de nature pourrait être orienté vers des activités respectueuses de l’environnement, comme des visites de parcs nationaux moins fréquentés.

L’IA peut également contribuer au « marketing durable » en mettant en avant des options respectueuses de l’environnement dans les recommandations personnalisées, comme des hébergements écologiques, des restaurants utilisant des produits biologiques, ou des itinéraires de transport à faible impact carbone. Les choix plus responsables deviennent ainsi partie intégrante de l’offre, incitant les visiteurs à adopter un comportement plus durable.

4. Surveillance environnementale en temps réel

Les systèmes d’IA, couplés à des capteurs intelligents, permettent de surveiller en temps réel l’impact environnemental du tourisme. Par exemple, des villes comme Barcelone utilisent des capteurs pour surveiller la qualité de l’air, le niveau de bruit et la densité de population dans les zones touristiques. De même, le parc de Yellowstone utilise des systèmes basés sur l’IA pour surveiller les mouvements de la faune et prévenir les perturbations des écosystèmes.
Cette technologie fournit aux gestionnaires des données précieuses pour ajuster leurs pratiques et minimiser leur empreinte écologique. Elle permet de mieux organiser l’accueil des visiteurs, tout en préservant l’environnement et en limitant les effets négatifs du tourisme de masse sur les sites naturels.

5. L’utilisation de l’IA prédictive pour des stratégies de développement durable

L’IA prédictive est un outil stratégique pour identifier les tendances de durabilité dans le secteur touristique. En analysant des données issues de multiples sources, comme les réseaux sociaux, les avis en ligne et les données de réservation, l’IA permet de déceler les comportements et préférences des touristes, ainsi que les tendances émergentes en matière de durabilité.

Par exemple, la région Auvergne-Rhône-Alpes en France utilise des indicateurs de tourisme durable analysés par IA pour suivre les tendances et adapter ses offres en fonction des attentes des voyageurs soucieux de l’environnement. Au Québec, les gestionnaires de destinations pourraient adopter des pratiques similaires pour adapter leurs offres touristiques en fonction de ces nouvelles tendances, assurant un développement plus responsable et répondant aux attentes des voyageurs d’aujourd’hui.

6. Défis et collaboration pour un tourisme durable

Les discussions du Luxembourg Tourism Summit ont mis en avant quatre défis clés pour l’optimisation de l’IA dans le secteur touristique durable :

  1. Optimisation des ressources : Les algorithmes peuvent optimiser les flux de visiteurs et répartir les ressources de manière plus équilibrée, réduisant ainsi la pression sur les destinations populaires.
  2. Engagement des parties prenantes : Une collaboration entre les gouvernements, entreprises, ONG et communautés locales est essentielle pour co-créer des solutions durables qui bénéficient à tous les acteurs.
  3. Innovation et recherche : Investir dans des technologies émergentes telles que l’IA prédictive est crucial pour une gestion proactive des défis du tourisme durable.
  4. Sensibilisation et éducation : Former les professionnels du tourisme sur les bénéfices et les défis de l’IA est indispensable pour une utilisation responsable et pour encourager des pratiques de voyage durables.

Conclusion : L’IA, un levier pour un tourisme durable

L’IA, consommatrice d’énergie, présente de grands enjeux mais aussi des avantages indéniables en regard du tourisme durable. En optimisant les ressources, en facilitant des expériences personnalisées et écoresponsables ainsi qu’en permettant une meilleure gestion des impacts environnementaux, elle se positionne comme un outil puissant pour un avenir plus vert. Cependant, il est essentiel de veiller à réduire son empreinte énergétique et à adopter des stratégies équilibrées pour minimiser ses impacts négatifs. En collaboration avec les différents acteurs de l’industrie, nous pouvons faire de l’IA un véritable catalyseur de durabilité pour le tourisme.

Sources :
https://www.mckinsey.com/industries/private-capital/our-insights/how-data-centers-and-the-energy-sector-can-sate-ais-hunger-for-power

https://www.datacenterdynamics.com/en/news/global-data-center-electricity-use-to-double-by-2026-report/

Auteurs

  • Pierre-Bellerose-2

    Fondateur et Président du Groupe de travail en intelligence artificielle et tourisme, Pierre Bellerose a oeuvré au sein de Tourisme Montréal pendant 30 ans notamment à titre de Vice-président Recherche, développement de produit, Accueil, relations publiques corporatives et innovation. Pierre est maintenant consultant en développement de produit touristique et membre de plusieurs Conseils d'administration en tourisme et culture. Il est Co-fondateur du MT Lab, un incubateur en tourisme.

  • Guilaume Cromer est entrepreneur et consultant au service de la transition du tourisme. Il est présentement directeur gérant du cabinet ID-Tourism à Grenoble et administrateur de l'association Acteurs du Tourisme Durable depuis 2014 (et ancien président de 2014 à 2021). Il est blogueur sur les nouveaux enjeux du tourisme et les aspects marketing.

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