Les entrevues IA du Groupe de travail : Marie-Hélène Raymond

Veille IA & Tourisme : L’IA, moteur de rentabilité pour l’hôtellerie
19/11/2025

Publié le 24/11/2025

Nous poursuivons notre série d’entrevues avec des professionnelles et professionnels du tourisme québécois qui intègrent l’intelligence artificielle dans leurs pratiques au quotidien.

Marie-Hélène Raymond œuvre dans le domaine des communications et des médias depuis plus de 20 ans. Après une carrière comme chroniqueuse culturelle, elle joint en 2008 l’équipe du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) où elle initie une stratégie numérique en développant réseaux sociaux, séries web et balados dédiés à faire connaître et promouvoir l’art du Québec. Aujourd’hui, elle coordonne la stratégie expérience visiteur et mène des projets innovants, dont l’intégration de l’intelligence artificielle, positionnant le MNBAQ comme un leader muséal.

Question 1 – L’introduction à l’IA : Comment en êtes-vous venu à utiliser l’IA dans votre pratique et à l’intégrer dans votre entreprise? Et depuis quand?

J’explore l’IA depuis plus de cinq ans maintenant. Dès 2020, grâce à l’Incubateur d’innovations muséales, nous avons commencé des recherches et testé un premier agent conversationnel avec l’intelligence artificielle « de l’époque » (!), basée sur des arbres décisionnels. L’arrivée de l’IA générative plus tard nous a permis de faire évoluer ce chatbot rapidement. Une révolution! C’est en développement cet outil que je m’y suis intéressée aussi pour mon usage personnel : j’utilise l’IA pour m’aider à compléter des tâches plus répétitives, pour interpréter mes rêves (juste pour rire!), pour aider mon adolescente dans ses devoirs de mathématiques (!) et pour créer des images pour des présentations. J’adore ces outils à la fois accessibles et efficaces (quand on sait les mettre au défi!). Recourir à l’IA pour structurer mes idées et éclairer les zones que je n’aurais pas explorées spontanément est devenu un réflexe, vraiment!

Question 2 – Adoption actuelle : Quelles initiatives basées sur l’IA avez-vous testées au sein de votre organisation, et quelles utilisations concrètes en faites-vous aujourd’hui?

Au Musée, l’IA générative nous a permis de stabiliser notre agent conversationnel en salles d’exposition. Les visiteurs peuvent scanner un QR près de l’œuvre (50 œuvres activées) et posent leurs questions personnelles pour une médiation sur-mesure. Nous expérimentons en ce moment la possibilité d’offrir des parcours selon l’humeur ou l’envie des visiteurs pour adapter le ton de la visite à leurs besoins. Côté veille personnelle, j’essaie les nouveaux outils dès leur sortie pour me tenir à jour, évidemment. Mon dernier coup de cœur? Gemini 2.5 Flash Image (Nano Banana) pour des montages photos réalistes en quelques secondes seulement! Au quotidien, Chat GPT m’accompagne dans mes projets professionnels et personnels (toujours avec rigueur!).

Question 3 – Défis rencontrés : Quels sont les principaux obstacles auxquels vous faites face dans l’intégration de l’IA, que ce soit au niveau technologique, organisationnel ou humain?

Côté organisationnel/humain, l’IA inquiétait certains collègues au départ : nous avons donc conçu des ateliers de co-création avec les équipes de médiation, impliqué l’ensemble des équipes du Musée (dont les conservateurs) et clarifié que l’outil ne remplace personne : il complète l’offre muséale. Côté technologique, l’accès au web ouvert envisagé au début a généré des hallucinations; nous avons donc instauré des sources contrôlées, des processus de validation et des garde-fous. Nous veillons aussi à maintenir un ton institutionnel conforme aux piliers de l’expérience visiteur du Musée : accueillante, enrichissante, inclusive et accessible.

Question 4 – Bonnes pratiques et apprentissages : Pouvez-vous partager une réussite ou un exemple inspirant où l’IA a permis de surmonter un défi ou d’atteindre un objectif significatif.

Le chatbot a contribué à un objectif clé : faire durer la rencontre avec l’œuvre. Nous sommes passés de quelques secondes d’observation à plus de 3 minutes. C’est non-négligeable.

Personnellement, j’ai appris à confronter les résultats de l’IA, à tester plusieurs variantes et à rester exigeante. L’IA performe quand on questionne, itère et encadre, mais je demeure convaincue que la vraie valeur reste humaine.

Question 5 – Vos outils et astuces : Quels sont les outils ou services d’IA dont vous ne pourriez plus vous passer, et pourquoi? Quel est votre meilleur truc, astuce ou raccourci favori pour gagner du temps ou simplifier votre quotidien grâce à l’IA?

Indispensable : ChatGPT Plus avec des GPT personnalisés et des projets dans lesquels tout est déjà noté. Astuce : je lis et résume moi-même les articles ou les dossiers, mais je demande à l’IA de résumer mon résumé, de proposer des versions « tableaux » et/ou des variantes. Je préfère l’utiliser comme un adjoint : il ne travaille pas à ma place, mais me « challenge » sur certains contenus. Je gagne du temps sans perdre mon discernement. Je crains tellement la paresse intellectuelle que parmi mes habitudes, il y a aussi l’obligation de réaliser des tâches SANS l’IA. La pensée critique est ultra importante pour moi et la créativité aussi! Les utilisateurs professionnels de l’IA déplorent souvent la qualité parfois médiocre des contenus générés. En effet, les premières idées proposées par l’IA sont souvent celles qu’il faut éviter : elles sont les plus probables, les plus banales. Un modèle génératif ne fait que renvoyer la moyenne des idées qu’il a apprises. Qui veut se contenter de banalités?

Question 6 – Besoins : Quelle fonctionnalité ou technologie IA rêveriez-vous d’avoir pour simplifier vos opérations?

Pour améliorer l’expérience visiteur, je rêve d’un « orchestrateur » qui unifierait en temps réel affluence, billetterie, messages du chatbot, incidents en salles, météo et qui proposerait des recommandations opérationnelles :

  • « Ouvrir la file B dans 10 min »
  • « Pousser le parcours Coups de cœur sur mobile »
  • « Renforcer l’équipe d’accueil du pavillon X (arrivée d’un groupe) »

Le tout serait explicable (pourquoi cette recommandation) et paramétrable (selon les priorités du jour). MALADE.

Pour améliorer mon quotidien, j’aimerais une IA qui me réveille en me donnant une citation du jour en fonction de mes récents rêves, qui me conseille un menu pour ma journée en fonction de ce que j’ai à l’horaire et dans le frigo, qui me suggère quoi porter en fonction de l’agenda du jour et de la météo, qui me résume mes rencontres et qui m’encourage à la fin de ma journée. Je blague! Mais c’est un pensez-y bien 😉 Pour vrai, je pense plutôt comme l’artiste Joanna Maciejewska : « Je veux que l’IA fasse ma lessive et ma vaisselle pour que je puisse faire de l’art et écrire, et non que l’IA fasse mon art et écrive à ma place pour que je puisse faire ma lessive et ma vaisselle. »

Question 7 – Intégration de l’IA : Si vous pouviez donner un conseil à une organisation qui débute avec l’IA, quel serait-il?

L’IA n’est pas un projet techno, ni une mode : c’est un projet d’équipe. Commencez petit (un pilote, un prototype), validez désirabilité et capacité, mesurez, itérez… puis montez en puissance! Alimentez l’IA avec des contenus authentiques et impliquez toutes les parties. Dans le tourisme culturel, l’IA réussit quand elle raconte votre lieu : voix, accents, histoires. L’IA doit amplifier les récits humains, pas les remplacer.

Question 8 – Vision pour l’avenir : Selon vous, comment l’IA pourrait-elle transformer l’industrie touristique dans la prochaine année / les prochaines années?

Dans les 12–18 prochains mois, l’IA vraiment utile pour l’industrie touristique sera locale, contextuelle et explicable : des assistants in situ (texte/voix/image) offriront des micro-médiations polyglottes, la personnalisation se fera « au moment » (météo, affluence, temps disponible, humeur) plutôt que par profils intrusifs. L’accessibilité sera augmentée par défaut, la production de contenus s’accélérera sur corpus maison avec validation, les parcours relieront naturellement attraits, restos et transports, et la mesure d’impact se recentrera sur l’expérience. Elle amplifiera en effet l’expérience et l’hospitalité, parce que l’humain demeurera au centre des démarches.

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    Le Groupe de travail sur l'intelligence artificielle et le tourisme se veut un agent multiplicateur qui participe activement à faire du milieu touristique du Québec un écosystème fertile en innovation d’affaires en lien avec l’Intelligence artificielle. En collaboration avec le MT Lab et l’ensemble de la communauté touristique, il travaille à ce que notre secteur intègre adéquatement et avec agilité les outils d’IA.

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